Il y a bien longtemps que je n’avais pas éprouvé l’envie de vous parler d’un album.
Pour celui-ci pourtant, j’aurais pu m’y atteler il y a plusieurs mois. C’est sans doute ce que j’aurais fait avant, du temps où je dégainais la plume plus fréquemment. A présent, il me faut l’urgence, le besoin qui se fait insistant pour finir par s’imposer tout à fait. Ce blog a presque 15 ans ; c’est vieux pour un blog. Son auteur a vieilli aussi. Il est un peu fatigué.
L’urgence aujourd’hui, c’est ce concert de Sam Fender à la Maroquinerie demain. Ce concert où je ne serai pas. J’ai trop traîné, trop tergiversé avant d’acheter mes places. Est-ce que mon chéri voudrait venir ? Ma filleule ? Je croyais que j’avais ce luxe d’attendre. Que Sam Fender attendrait. Que Sam Fender m’attendrait, moi.
En fait, pas du tout.
S’il ne m’attend pas, il ne vous attendra pas non plus. Je préfère donc vous prévenir avant que le temps des regrets ne vous rattrape à votre tour : ne manquez pas Sam Fender. Ne le manquez pas dès maintenant : c’est aujourd’hui que vous pourrez encore le voir dans une petite salle, pas la Maroquinerie non, mais à la Cigale, déjà programmée pour février prochain (le 24). Vous avez cette chance.
Plus que la scène, c’est du disque que je voulais vous parler. J’ose le dire : s’il serait pardonnable de manquer ses concerts, passer à côté de cet album le serait infiniment moins.
Sam Fender, en effet, coche toutes les cases.
Avant tout, c’est un authentique singer songwriter. Il a beau avoir signé chez une major pour son debut album*, le jeune (25 ans) anglais de North Shields est l’auteur de ses textes comme de sa musique. Et dans ces deux domaines, son talent saute aux oreilles.
Je comprends l’anglais bien sûr, mais c’est toujours la musique qui conserve ce pouvoir de me cueillir (m’accueillir) en premier. That Sound, avec sa mélodie imparable, sa guitare à la Simple Minds et cette batterie qui souligne son phrasé, ne peut que capter l’attention (plus loin, le martèlement de Play God reste dans cette même veine). Bien sûr, c’est du « déjà entendu », comme une sorte d’hybride entre The Macabees et Kings of Leon version mainstream. Mais c’est tellement bien fait ! Dead Boy, avec son gimmick de guitare, et son petit côté Cold War Kids est une autre réussite.
Il y a aussi Leave Fast, aux accents d’une chanson de Jeff Buckley (davantage dans l’intention que dans la démonstration vocale), qui se termine cependant sur une toute autre guitare, et nous laisse accroché à ses lèvres avec l’irrépressible envie d’aller découvrir les lyrics.
Quant à Hypersonic Missiles et son saxo, qui donne son titre à l’album, même si je n’en avais entendu que la fin à Rock en Seine, il m’avait convaincu dans la minute.
Reparlons-en, de ce saxo. Là encore, c’est du déjà entendu. Pas tellement en Angleterre, mais plutôt de l’autre côté de l’atlantique, chez Bruce Springsteen. Or c’est justement là que réside l’effet de surprise et que les cartes, ainsi brouillées, se révèlent d’autant plus intéressantes. L’article de The Guardian, du reste, en parle mieux que personne : qui fait encore de la vraie chanson à la « working class hero » de nos jours ? Et qui plus est au Royaume-Uni ? Sans vocodeur ? Dans un style rock dont on se demande s’il peut encore exister face au ras de marée rap ? Hallelujah.
Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas succombé pour ces thèmes typiques de l’Angleterre pauvre, celle-là même qui a voté pour le Brexit, abordés avec autant de réalisme. Ces villes désolées où les hommes se suicident (Dead Boy), ces endroits qu’il faut quitter avant qu’il ne soit trop tard (Leave Fast), ces maisons derrière lesquelles la violence domestique règne en maître (The Borders), ou même, la question de la prédominance blanche (White Privilege) : voilà ce qui nourrit les chansons de celui qui n’aurait pas dénoté à la radio dans la mustang de mon ami Bobby, alors que je découvrais le sud américain dans les années 80, et qui pourtant est à la fois parfaitement, absolument actuel. Et anglais.
Enfin, vous voulez savoir ce qui a achevé de me faire fondre complètement ? Alors que j’avais déjà acheté le disque, à l’ouverture du livret, je suis tombée sur ces quatre colonnes pleines de remerciements plus sincères et touchants les uns que les autres, qui ont laissé entrevoir, s’il en était encore besoin, ce qu’on pourrait appeler une belle âme. Quatre longues colonnes d’une police en tout petits caractères. Quatre colonnes émerveillées et reconnaissantes. C’est con peut-être, mais ça m’a transformée en guimauve.
Ah oui aussi. Le physique n’a rien à y faire, mais en plus le garçon est beau.
Et vous savez quoi encore ? Fender est son vrai nom de famille.
Mic Drop.
Photos et vidéos live (c) Isatagada
* Hypersonic Missiles est un disque Polydor